Il paraît que l’été commence le 21 juin. Bonne nouvelle, pour peu que le soleil soit de retour… Pour vous aider dans cette attente, je vous emmène faire quelques savoureuses découvertes.
Guy Delville
Chroniqueur gastronomique
Top 50 des meilleurs restaurants
La plume de Périco Légasse, un des plus éminents chroniqueurs et critiques gastronomiques, se trempe volontiers dans l’acide ! La preuve avec cet article consacré au fameux classement des meilleurs restaurants du monde. Mon collègue m’a autorisé, pour vous à titre exceptionnel dont je le remercie, à publier sa prose : à lire et méditer.
Prenant pour argent comptant la consécration de chefs aux pratiques controversées, la presse participe à une énorme désinformation.
Le top chef des 50 meilleurs restaurants du monde a donc sévi une nouvelle fois avec le renfort habituel des médias complaisants. La plupart d’entre eux se sont contentés de relayer l’info comme s’il s’agissait d’un événement officiel, sans prendre le moindre recul ni chercher un seul instant à décrypter les dessous de l’affaire. Il y avait en effet quelque chose de malsain, mardi 30 avril, lorsque, au journal télévisé de 20 heures, sur France 2, David Pujadas annonçait que le meilleur restaurant du monde était espagnol et que le premier français n’arrivait que 16e, ajoutant, sur un ton inquiet, « La cuisine française serait-elle en perte de vitesse ? ».
Nous y voilà. Non, hélas, la cuisine française n’est pas en perte de vitesse et n’a nul besoin de classement international sponsorisé par la haute finance pour rester une référence mondiale. Rappelons donc, pour la énième fois, que « The world’s 50 best restaurants » est une opération organisée par la revue britannique « The restaurant magazine » pour le compte de San Pellegrino, filiale de Nestlé, en vue de promouvoir la cuisine créative faisant appel aux nouvelles technologies et aux additifs chimiques mis au point et commercialisés par le groupe suisse.
Qu’aurions-nous aimé lire ou entendre de la part de nos confrères ? Les faits, rien que les faits :
- Que le Noma, deuxième meilleur restaurant du monde 2013, du chef René Redzepi, à Copenhague, lauréat du palmarès en 2009, 2011 et 2012, consacré par deux étoiles au guide Michelin, n’est autre que celui dont le JT de 20h du 11 mars dernier, sur France2, nous apprenait que 63 de ses clients avaient été victimes d’une intoxication alimentaire. Le service public aurait-il la mémoire courte ?
- Que, toujours dans l’édition 2013, le septième meilleur restaurant du monde, après avoir été le premier en 2004 et 2005, n’est autre que le Fat Duck, du chef Heston Blumenthal, lui aussi consacré par trois étoiles au guide Michelin, lui aussi frappé en 2009 par une intoxication alimentaire ayant envoyé 529 clients à l’hôpital.
- Que le chef le plus récompensé par ce palmarès est l’illustre Ferran Adria, patron de El Bulli, en Catalogne, aujourd’hui fermé, arrivé cinq fois premier, lui aussi triplement étoilé au Michelin, lui aussi réputé pour avoir servi des préparations à bases d’adjuvants chimiques ayant provoqué des troubles digestifs ayant nécessité une hospitalisation de la clientèle. Nous sommes donc confrontés à une formidable opération médiatique et commerciale, intégralement financée par le premier groupe mondial de l’industrie agro alimentaire, Nestlé, dont l’objectif est de promouvoir un projet de cuisine moléculaire avec la bénédiction d’une presse étonnement peu curieuse, peu vigilante et peu rigoureuse.
Pour ne rien gâcher, si Ferran Adria a fermé ses portes en 2011, c’est précisément pour se consacrer à la vente juteuse de ces élixirs là. J’ai honte pour mes confrères et consœurs qui collaborent à cette opération de désinformation orchestrée par l’agence britannique Speed Com pour servir la stratégie du groupe Nestlé. Ce qui est à vomir, ce n’est pas le contenu des éprouvettes de ces apprentis sauciers mais le silence et la lâcheté de ces journalistes ravis de cracher sur leur pays.
Ce n’est pas pour la France, qui compte toujours autant d’infâmes gargotes que de merveilleux cuisiniers, que nous nous lamentons, mais pour ces restaurants espagnols, italiens, marocains, anglais, portugais, belges, allemands, etc, où l’on mange divinement mais que le classement du top 50 ignore ou méprise sous prétexte que leurs recettes ne contiennent pas d’alginates E401, de cellulose méthylée E461, d’amidons transformés E1142, de monoglutamate de sodium E621, de carraghénanes et de polysaccharides E407, de stabilisant E450, de xantana E415 et d’azote liquide dont ces plasticiens d’art alimentaire imbibent généreusement leurs salmigondis glorifiés par la presse. Non, l’important est que le premier chef français soit 16e ! Tout va donc pour le mieux dans le meilleur immonde.
Périco Légasse